Au jour de la naissance de ce printemps, le Karin Aniro fit afficher aux quatre coins des Sommets Verdoyants une annonce ainsi libellée :
Le Karin Aniro appelle les sujets du Royaume devant la Grande Serre à 21h le Tria, Winderly 27, 4e CA 2607.
Cuiccio Perinia, le botaniste royal, y fera ce jour là une démonstration de son talent et du résultat de ses travaux de conception de la barrière végétale qui doit protéger bientôt la sainte capitale des Matis des incursions kitines répétées qu’elle subit depuis trop longtemps.
Aniro, Karin

À la lecture de ces mots, maint Alkiën sentit son cœur bondir : le Karan avait enfin répondu aux sollicitations du Sane Velën de l’Ordre en mettant au travail le botaniste royal sur les plans de ce dernier ! Car, bien que les talents de botaniste de Filira Zagh aient été suffisamment démontrés par la création des psykoplas mutants utilisés naguère pour repousser la Goo devenue envahissante dans le Vide, le Royaume s’était longtemps montré réticent à les utiliser pour améliorer ses propres défenses.
Ainsi, le jour venu, l’Ordre au complet était-il présent devant la Grande Serre d’Yrkanis pour rendre hommage, fut-ce par le truchement du botaniste royal, à son Herën Honoraire, le Filira Zagabranth Gianancoso.
La démonstration annoncée débuta hélas fort mal : la rumeur ayant porté hors des frontières du Royaume la nouvelle de sa tenue, on put dès l’abord repérer parmi les assistants plus d’un étranger venu là soit, kamiste, pour la saboter, soit, joueur invétéré, dans l’espoir de monnayer ses services si elle devait tourner mal, soit, bien-pensant, pour déverser ses critiques envieuses sur la prétendue folie du peuple Matis. Cependant, grâces en soient rendues à Jena, certains d’entre eux, alliés de notre nation, s’appliquèrent à la suivre attentivement pour soigneusement consigner par écrit leurs observations et les Matis formaient le gros de la foule assemblée lorsque, l’après-midi finissant, le Karin Aniro parut au seuil de la Grande Serre, accompagné de Ser Cuiccio Perinia.
La suite combattit heureusement cette mauvaise impression initiale. Car, après salutations d’usage et brèves présentations, la troupe se transporta, à l’invitation du Karin, au-delà de la barrière sud de la cité ou l’attendait Chiaera Cuirinia, assistante du botaniste royal. Elle put alors contempler, béante, le surgissement majestueux, commandé par Ser Perinia, de la Barrière aux Kitins : trois rangées de psykoplas, slavenis et cratchas alternés jaillissant du sol en quelques secondes et surplombées, pour finir, d’un gigantesque cratcha semblant les commander toutes !
Hélas encore, la stupéfaction éblouie de la troupe assemblée dura peu… Chaque plante de la Barrière, en effet, se mit bientôt, bien que n’ayant subi aucune provocation, à bombarder tout homin à portée, que celui-ci soit ami ou ennemi du Royaume… Et le botaniste royal disparut dans un grand cri. S’ensuivit alors une lutte épuisante et interminable entre la Barrière et les présents.
D’abord décontenancés par l’attaque imprévue, ces derniers se ressaisirent certes assez vite pour, exploitant les faiblesses de leurs adversaires végétaux, ajuster mieux leurs coups ; bien sûr, le Karin, après un temps d’observation, se décida à les diriger par des ordres plus sensés que sa qualité de Grand Prêtre pouvait faire attendre ; sil, le même Karin envoya enfin sa garde rapprochée joindre ses forces à celles de la troupe. Mais, celle-ci se clairsemant peu à peu, le combat ne fut conclu qu’après que la nuit soit tombée une seconde fois sur Yrkanis… Conclu par la défaite de la Barrière, après qu’elle eût résisté près de trente heures durant aux assauts conjugués d’une quarantaine d’homins : Ser Perinia avait bien travaillé !
Une fois passée l’euphorie de la victoire, force fut cependant de constater que l’épisode avait non seulement privé définitivement la Nation Matis des talents de ce dernier, mais aussi montré l’inachèvement de ses travaux. Car une Barrière aux Kitins attaquant spontanément tout vivant l’approchant, sans distinction entre ennemis et amis de l’Hominité, susciterait bien vite les quolibets de ses ennemis et, surtout, serait considérée, à juste titre, comme une abomination par tout Atys. C’est pourquoi le Karin, après s’être fait confirmer la disparition de toute trace de Ser Perinia, chargea la Serae Chiaera Cuirinia de parfaire l’œuvre de son maître décédé en la nommant sur le champ Botaniste Royale.
Ainsi la démonstration dont l’Ordre se faisait une fête fut-elle close sur une note voilée. Demi-réussite, elle appelle en fait au soutien pendant quelques mois encore de l’effort impulsé par Filira Zagh et continué par le botaniste royal. L’Ordre Alkiane participera bien sûr à ce soutien tant que Jena lui prêtera vie.
Jena Aiye, Matis Aiye, Alkiane Aiye !


Le 24/03/2020